C’est pieds nus qu’on devrait courir dans la vie. Pieds nus pour tout sentir, la douceur de l’herbe tendre et la violence des cailloux saillants. C’est ça la vie. C’est ça l’amour. C’est courir pieds nus. Savourer quand le sable est fin ou l’herbe douce. Accepter le gravier et parfois le verre pilé. Et se dire qu’on avance malgré tout, quelle que soit la surface. Les écorchures cicatrisent quand même. Je devrais peut-être enlever mes chaussures, affronter ma peur des cailloux et chercher le velours.
Agnès Ledig, De tes nouvelles
Agnès Ledig, De tes nouvelles



Edward Munch, « La nuit étoilée », 1923
À quoi pense la Nuit, quand l’âme des marais
Monte dans les airs blancs sur tant de voix étranges,
Et qu’avec des sanglots qui font pleurer les anges
Le rossignol module au milieu des forêts ?…
À quoi pense la Nuit, lorsque le ver luisant
Allume dans les creux des frissons d’émeraude,
Quand murmure et parfum, comme un zéphyr qui rôde,
Traversent l’ombre vague où la tiédeur descend ?…
Elle songe en mouillant la terre de ses larmes
Qu’elle est plus belle, ayant le mystère des charmes,
Que le jour regorgeant de lumière et de bruit.
Et, ses grands yeux ouverts aux étoiles, la Nuit
Enivre de secret ses extases moroses,
Aspire avec longueur le magique des choses.
Maurice Ralliant, « Sonnet », 1899
Je vous souhaite de souhaiter. Je vous souhaite de désirer. Le bonheur, c’est déjà vouloir. Comme en droit pénal, l’intention vaut l’action. Le seul fait de rêver est déjà très important. Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques uns. Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions. Je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence, aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable.
Jacques Brel


Claude Monet, « Le Bateau-atelier », 1876
Toute la douceur des teintes…Quand Claude Monet illustre l’éphémère poésie de la vie, on reste éblouis!
Le personnage dans le bateau est l’artiste qui a aménagé cet atelier flottant avec tout son matériel pour pouvoir peindre au milieu de l’eau. Souvent Monet ancrait son bateau pour travailler mais il lui arriver aussi de peindre au fil de l’eau, comme une suggestion d’aperçus momentanés, plus que représentation d’un endroit précis.
« Le coeur est une petite maison, même pas une maison, une niche, même pas une niche, un abri pour les moineaux. Le coeur n’a qu’une contenance réduite. Une joie qui bat des ailes le remplit tout. Il n’y a plus de place pour autre chose. »
Tout le monde est occupé, Christian Bobin

André Derain, « Grand arbre », 1930
Douce mélancolie des couleurs encore flamboyantes de l’automne…
Vivre, c’est se réveiller la nuit dans l’impatience du jour à venir, c’est s’émerveiller de ce que le miracle quotidien se reproduise pour nous une fois encore, c’est avoir des insomnies de joie.
Paul-Emile Victor

Marc Chagall, « Le Bateau-atelier », 1876
Douceur du sourire de Chagall, qui se tient devant l’un de ses paravents réalisés en lithographie où le village de Saint-Paul-de-Vence est si poétiquement représenté.
Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d’amour. Qu’ils soient bénis. C’est grâce à eux que la terre est ronde et que l’aube à chaque fois se lève, se lève, se lève.
Christian Bobin
La fenêtre sur l’Ile de Bréhat (1924), Marc Chagall:
comme une impression de respirer mieux…

La beauté est un mystère qui danse et chante dans le temps et au-delà du temps. Depuis toujours et à jamais. Elle est incompréhensible…Elle est dans l’oeil qui regarde, dans l’oreille qui écoute autant que dans l’objet admiré…Elle est liée à l’amour. Elle est promesse de bonheur. À la façon de la joie, elle est une nostalgie d’ailleurs.
Jean d’Ormesson, Un jour je m’en irai sans avoir tout dit

« Août finissait, et l’on dînait déjà à la lueur des lampes, les portes ouvertes sur le couchant vert où nageait encore un fuseau de cuivre rose. La mer déserte, d’un bleu-noir d’hirondelle, dormait, et quand les dîneurs se taisaient, on entendait le petit flux lassé et régulier des marées de morte-eau. » (Colette, Le Blé en herbe)